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La sage-femme doit exercer sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine. Il est de son devoir de porter secours à tout patient et elle ne saurait s’y dérober. Néanmoins, la sage-femme peut refuser la réalisation d’un acte médical si elle l’estime contraire à ses propres convictions personnelles, professionnelles ou éthiques, sous certaines conditions.
La loi tente d’encadrer ces refus qui ne peuvent être discriminatoires ou intervenir en cas d’urgence sans assurer une continuité des soins (art 225-1 et 225-1-1 du code pénal et R.4127-305 du code de la santé publique -CSP-).
Un refus de soins est discriminatoire lorsque le professionnel traite différemment un patient par rapport aux autres patients ou oppose un refus sur des motifs discriminatoires visés par le code pénal tels l’origine, la grossesse, l’orientation sexuelle, la situation économique du patient etc…
Ainsi, l’article L.1110-3 CSP précise qu’« aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins » et ajoute qu’ « Hors le cas d’urgence et celui où le professionnel de santé manquerait à ses devoirs d’humanité, le principe énoncé au premier alinéa du présent article ne fait pas obstacle à un refus de soins fondé sur une exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l’efficacité des soins. La continuité des soins doit être assurée quelles que soient les circonstances. »
Le code de déontologie rappelle également qu’une sage-femme a le droit de refuser des soins pour des raisons professionnelles ou personnelles, hors le cas d’urgence et sous réserve de ne pas manquer à ses devoirs d’humanité, tout en assurant la continuité des soins (art R.4127-328 CSP).
Ainsi la sage-femme peut refuser de pratiquer des soins sous réserve de :
• Absence d’urgence et respect des obligations d’assistance (ne pas contrevenir à l’obligation générale pour tout professionnel de santé de porter secours à toute personne en situation de détresse) ;
• Respect des devoirs d’humanité (par exemple rappelons que la sage-femme a l’obligation de prendre en charge la douleur de la patiente ; la sage-femme ne doit pas se départir d’une attitude correcte et attentive envers la patiente) ;
• Ne pas nuire à la patiente ou à l’enfant (par exemple, la sage-femme ne peut mettre une patiente ou son enfant en situation de danger) ;
• Devoir informer sans délai la patiente de son refus ou de son impossibilité à continuer à la prendre en charge ;
• Prendre toutes les dispositions nécessaires pour que soit assurée la continuité des soins, avec transmission de toutes les informations nécessaires au professionnel de santé qui prendra son relais.
Il est à noter qu’il existe des cas où le refus de soins est prévu par la loi : le cas de la clause de conscience encadrée par l’article R.4127-328 CSP et plus spécifiquement en matière d’IVG par l’article L.2212-8 CSP, le cas du dépassement de compétence de la sage-femme ou encore le cas du refus de dispenser des soins demandés par la patiente qui ne seraient pas suffisamment validés sur le plan scientifique (art R.4127-313 et -314 CSP).
La notion de refus de soins discriminatoire s’entend largement et inclut aussi bien les refus explicites (directs) que les refus implicites (indirects).
Les refus de soins explicites sont manifestés directement par le professionnel. Cela peut se traduire par un refus de la part du professionnel de se déplacer, de recevoir un patient, de prescrire un traitement…
Les refus implicites sont plus difficiles à déceler car découlent d’un comportement du professionnel ne constituant pas un refus à proprement parler. Ils s’apparentent à des pratiques rendant le soin quasiment impossible en raison des obstacles que la patiente se voit opposer par le professionnel. Cela peut notamment se traduire par un refus de réorienter le patient de manière répétée et injustifiée vers une consœur, de dispenser des soins de mauvaise qualité en raison de l’identité de la patiente, de proposition de rendez-vous avec un délai anormalement long…Par ailleurs, certains refus implicites peuvent être à l’origine d’un renoncement aux soins de la part du patient (offre de soins dissuasive comme des honoraires ou des délais d’attente prohibitifs…).
Parmi ces deux catégories de refus, certains sont licites et d’autres non. Par exemple, refuser de recevoir un patient en raison de sa situation de bénéficiaire de la CMU complémentaire est un refus de soins illicite car discriminatoire, à l’inverse, le refus de le recevoir par manque de matériel nécessaire est licite car il ne s’explique pas par une raison discriminatoire, à condition de toujours assurer la continuité des soins.
L’article L.1110-3 CSP dispose que « Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime peut saisir le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou le président du conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel concerné des faits qui permettent d’en présumer l’existence. Cette saisine vaut dépôt de plainte ».
La procédure relative au refus de soins discriminatoire a été précisée par le décret n°2020-1215 du 2 octobre 2020, intégrant les articles R1110-8 et suivants au Code de la santé publique. Cette procédure, protectrice des droits des usagers et très attendue par ces derniers, est applicable depuis le 5 janvier 2020.
La procédure en cas de plainte pour refus de soins discriminatoire
Une patiente peut indistinctement adresser une plainte à la présidente du conseil départemental (CD) dans lequel la sage-femme concernée est inscrite ou au directeur de la CPAM. Notons qu’une association agréée dans le domaine de la qualité de la santé et de la prise en charge des malades et mandatée par la patiente concernée à cet effet peut également adresser la plainte dans les mêmes conditions. Quoi qu’il en soit, le contenu de la plainte doit comporter les coordonnés de la plaignante, des éléments identifiants la sage-femme et une description des faits reprochés (voir modèle type p.19 : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/2021.2.sante.pdf )
L’autorité ayant reçu la plainte la transmet à l’autre autorité ainsi qu’à la sage-femme concernée et en accuse réception à la plaignante. Cette autorité dispose de la faculté de convoquer la sage-femme concernée, préalablement à la conciliation afin qu’elle puisse transmettre ses observations.
Après avoir dûment convoqué les parties, une séance de conciliation se déroule dans un lieu établi ou en visioconférence/ conférence téléphonique en cas d’impossibilité de réunir l’ensemble des participants (avec l’accord des parties). Toutefois, il ne s’agit pas d’une séance de conciliation ordinale classique. En effet, la commission de conciliation est mixte et paritaire, composée de 2 membres représentant la CPAM et 2 membres représentant le CD. Elle siège en séance avec au moins 1 représentant de chaque autorité. A l’instar de la conciliation ordinale, les parties peuvent y assister, se faire représenter ou en cas d’impossibilité transmettre leurs observations écrites en amont. En tout état de cause, la conciliation doit avoir lieu dans un délai de 3 mois à compter de la réception de la plainte.
La séance de conciliation est formalisée par un relevé de séance, signé par les parties à la fin de la séance et transmis ensuite à la présidente du CD et au directeur de la CPAM. La non-conciliation est constatée quand au moins une partie ne répond pas à la convocation ou quand la patiente souhaite maintenir sa plainte à la fin de la séance de conciliation.
Dès lors, en cas de non-conciliation, la présidente du CD doit transmettre la plainte, un avis motivé et les pièces de la procédure de conciliation à la chambre disciplinaire compétente (CDPI) puis en informer le directeur de la CPAM, dans un délai de 3 mois à compter de la conciliation. Le CD dispose de la faculté de s’associer à la plainte.
Exception : si la sage-femme a déjà fait l’objet d’une sanction pour un refus de soins discriminatoire dans les 6 précédant la plainte, qualifiée de récidive, la procédure de conciliation n’est pas mise en œuvre et la plainte est directement à la CDPI (dans les conditions énoncées au paragraphe suivant). La plaignante en est informée.
La particularité de la procédure réside également dans le fait qu’en cas de carence du CD (cela correspond au non-respect du délai de 3 mois pour effectuer la conciliation lorsqu’il a reçu la plainte ou pour transmettre la plainte), le directeur de la CPAM engage une procédure diligentée selon des règles propres à l’assurance maladie, décrites aux articles L114-17-1, R147-14 et R147-2 du code de la sécurité sociale.
En résumé, les étapes de cette procédure spécifique :
Schéma publiée dans la note d’information, N° DSS/2A/2021/12 du 5 janvier 2021, relative à « la procédure de conciliation et de sanction applicable aux refus de soins et aux dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux », p.18
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/2021.2.sante.pdf
Les sanctions encourues
En cas de refus de soins discriminatoire, Toute sage-femme ou professionnel de santé s’expose à des sanctions :
– Disciplinaires (par la Chambre Disciplinaire de Première Instance) : si elle estime que la sage-femme a commis un ou plusieurs manquements aux règles déontologiques de la profession (la CDPI peut prononcer une sanction : avertissement, blâme, interdiction temporaire d’exercer ou radiation du tableau de l’Ordre en fonction de l’appréciation de la gravité des faits.
– Financières (par l’assurance Maladie) : la sage-femme s’expose à des pénalités financières, limitées à un montant inférieur ou égal à 2 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. En cas de récidive dans un délai de 6 ans, elle s’expose aussi à 2 sanctions plus lourdes : la suspension de la participation au financement des cotisations sociales et/ou le retrait du droit à dépassement d’honoraires (pour une durée maximale de 3 ans). Une sanction complémentaire peut être prononcée, à savoir l’affichage de la sanction.
Autres dispositifs à destination des patients
En parallèle de la procédure de plainte pour refus de soins discriminatoire, les patients s’estimant victime d’un refus de soins discriminatoire peuvent avoir recours à un médiateur, dont le rôle est notamment de réorienter le patient en difficulté vers un autre professionnel ou une structure de soins adaptée.
Par ailleurs, de nombreux acteurs tels les associations d’usagers, le Défenseur des Droits, la Fédération des acteurs de santé ou encore les ARS, offrent aujourd’hui aux usagers des outils de signalement de refus de soins.
La loi du 26 janvier 2016 a institué des commissions de refus de soins auprès de chaque ordre professionnel médical, chargée d’évaluer les pratiques de refus de soins sur le territoire et d’émettre des recommandations visant à mettre fin à ces pratiques et améliorer l’information des patients (art L.4122-1 CSP).
La Commission de refus de soins auprès de l’Ordre des sages-femmes a entamé ses travaux depuis octobre 2017. Elle regroupe 6 sages-femmes (libérales, hospitalières et territoriales) nommé(e)s par la Présidente du Conseil national, 5 associations d’usagers et 2 organismes d’assurance maladie (CNAM et Fonds-CMU). Le Défenseur des droits, non membre de ces commissions, est convié aux réunions.
La Commission a élaboré un rapport annuel, qui a été remis au Ministre chargé de la santé.
Le Défenseur des droits a également publié une fiche pratique à destination des professionnels de santé et un dépliant à l’attention des usagers :
Le Défenseur des droits a été saisi par plusieurs associations sur l’existence de situations discriminatoires à l’égard des bénéficiaires de la CMU-C, de l’ACS et de l’AME, notamment sur certains profils de professionnels de santé sur des plateformes de rendez-vous médicaux en ligne.
Par une décision-cadre du 22 novembre 2018, le Défenseur des droits émet plusieurs recommandations afin de prévenir ces situations discriminatoires.
Des associations engagées pour défendre les droits et accompagner les personnes en situation de handicap proposent également divers outils :
https://www.apf-francehandicap.org/droits-handicap/sante-et-bien-etre-1503
https://santebd.org/les-fiches-santebd/gyneco
La note d’information « N° DSS/2A/2021/12 du 5 janvier 2021 relative à la procédure de conciliation et de sanction applicable aux refus de soins et aux dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux » apporte des précisions sur la procédure en cas de refus de soins discriminatoire et publie des annexes à destination des patients, notamment un modèle de formulaire de plainte (annexe I, p.19-20) et un modèle de mandat de représentation à une association agréée (annexe III, p.22)
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/2021.2.sante.pdf (p.10- p.23)
Fiche pratique de la revue CONTACT SAGES-FEMMES n°65 du Conseil national de l’Ordre « refus de soins discriminatoire : quels recours pour les patientes ? »