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21/03/2017 Informations générales

Interview de Martin Provost, réalisateur du film « Sage-femme »

Le réalisateur du film "Sage femme", qui sort en salle le 22 mars, évoque dans une interview la genèse de ce long-métrage et explique notamment pourquoi il souhaitait raconter l'histoire d'une sage-femme.


Claire est la droiture même. Sage-femme, elle a voué sa vie aux autres. Déjà préoccupée par la fermeture prochaine de sa maternité, elle voit sa vie bouleversée par le retour de Béatrice, ancienne maîtresse de son père disparu, femme fantasque et égoïste, son exacte opposée.

Comment est venue l’idée de raconter l’histoire d’une sage-femme ?
J’ai moi-même été sauvé à la naissance par une sage-femme. Elle m’a donné son sang et m’a ainsi permis de vivre. Elle a fait cela avec une discrétion et une humilité incroyables. Quand ma mère m’a raconté la vérité sur cette histoire, c’était il y a un peu plus de deux ans, je suis immédiatement parti à sa recherche, sans même savoir son nom. Les archives de l’hôpital où je suis né étant détruites tous les vingt ans, il ne demeure aucune trace. Ma mère se rappelait qu’elle n’était pas toute jeune. Je suis convaincu qu’elle est morte. J’ai donc décidé de lui rendre hommage à ma façon et de lui dédier ce film, et à travers elle, de le dédier à toutes ces femmes qui œuvrent dans l’ombre, vouant leur vie aux autres, sans jamais rien attendre en retour. Le plus extraordinaire c’est que j’ai eu besoin d’un acte de naissance (et non de l’habituel extrait) il y a quelques mois pour mon mariage. Je venais pratiquement de terminer le montage du film et à ma grande stupéfaction j’ai découvert que c’était elle, et non mon père, qui m’avait déclaré à la mairie. Non seulement elle avait passé toute la nuit avec moi, elle m’avait sauvé, mais elle était allée me déclarer, comme pour bien certifier que j’étais sain et sauf. Je trouve ce geste magnifique, et son nom, Yvonne André, je me le répète sans cesse. Je lui dois beaucoup. Pour autant, SAGE FEMME n’a rien d’autobiographique. Je n’ai pas voulu raconter mon histoire, parce qu’elle n’était qu’un prétexte à aller plus loin, mieux entrer en contact avec une profession qui me fascine depuis toujours. J’ai donc rencontré pas mal de sages-femmes, d’abord pour bien comprendre ce qu’on m’avait fait la nuit de ma naissance, et c’est ainsi, à travers leurs réponses, que s’est progressivement dessinée l’histoire de Claire. Je souhaitais à la fois montrer une sage-femme en prise avec la réalité de son époque mais aussi une femme à un moment charnière de sa vie.

Claire est un personnage à la fois complexe et rigide…

C’est une femme engagée qui vit pour les autres. Elle a des principes et des valeurs qu’elle se refuse à abandonner et c’est tout à son honneur. Professionnellement, elle n’accepte pas ce que la société veut lui imposer. La petite maternité où elle a toujours travaillé est sur le point de fermer au profit d’une “usine à bébés“ comme il s’en ouvre de plus en plus, établissements où le rendement a tendance à se substituer à l’humain. Claire refuse le poste qu’on lui propose, elle refuse le compromis. Elle est comme ça. Une femme entière qui sait la valeur de son expérience, du rapport à l’autre. L’argent n’est pas sa priorité même si le chômage est source d’angoisse. Elle ira jusqu’à dire qu’elle est capable de vendre son appartement plutôt que de se mettre au service de la politique du chiffre. Elle agit avec la même conviction dans sa vie personnelle : son fils a quitté la maison, elle n’a pas de compagnon, mais elle se tient droite, aux limites de la raideur. L’irruption de Béatrice dans sa vie va changer la donne.

En ce sens, le film pose la question de savoir ce qu’est vraiment la liberté…

Tout à fait. Pour moi la liberté est un concept que je remets le plus souvent possible en question. La liberté ne réside pas dans l’absence de limites ou de règles comme semble le penser Béatrice. La maladie qui la frappe va remettre en cause sa façon d’être et de penser. Ce qu’elle appelle “liberté“ s’est toujours apparenté à une forme de fuite, mais soudain elle ne peut pas, elle a besoin de Claire, elle est fragile. Claire, qui porte en elle ce que Béatrice a toujours refusé, choisissant une vie légère, aux limites de la superficialité, cette sorte de compassion extrême pour les êtres démunis et faibles. N’y a-t-il rien de plus semblable qu’un bébé qui vient de naître ou qu’un vieillard qui va mourir ?

Le film montre de vrais accouchements auxquels Catherine Frot a réellement participé. Cette authenticité dans l’action était-elle incontournable pour vous ?
Oui. Avec Olivier Delbosc, le producteur, nous étions d’accord sur un point, dans les films, trop souvent, les bébés qui naissent sont énormes et trop bien portants, ça sonne très faux ! Je voulais filmer la vie en vrai, l’essence même de la vie, ce par quoi nous sommes tous passés et non sa représentation plus ou moins édulcorée. Pour cela, nous avons dû tourner ces scènes en Belgique car la loi française ne permet pas de tourner avec des bébés de moins de trois mois. Ce fut un travail long et complexe : il a fallu trouver des femmes qui étaient en début de grossesse et qui acceptent que leur accouchement soit filmé six mois plus tard, trouver des maternités qui nous autorisent à le faire. Catherine Frot a suivi une formation. Elle a assisté à des accouchements en amont du tournage et y a participé. Au final, nous avons pu filmer six accouchements en direct. Cela s’est fait en équipe très réduite : Catherine Frot, le chef opérateur et le perchman. Moi, j’étais derrière mon moniteur avec ma scripte dans la pièce à côté. Je n’ai jamais autant pleuré que lorsque Catherine a mis au monde son premier bébé.