Responsabilité disciplinaire (ordinale)

Que signifie « engager la responsabilité disciplinaire » ?
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Contexte – Il s’agit de la situation où toute personne (notamment un patient) estime qu’une sage-femme a commis un/des manquement(s) à ses devoirs professionnels inscrits dans le Code de déontologie de la profession de sage-femme. Concrètement, ce dernier régit l’ensemble des droits et devoirs, applicable aux sages-femmes dans le cadre de leur exercice.

Le Code de déontologie de la profession de sage-femme est prévu par les articles R.4127-301 à R.4127-367 du Code de la santé publique, à retrouver sur : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGISCTA000006125099 .

Précisons que l’ensemble des sages-femmes sont concernées par son application, quel que soit leur mode d’exercice.

Modalités Dans cette situation, la personne concernée doit adresser la plainte disciplinaire au conseil départemental dans lequel la sage-femme visée est inscrite. Il doit être démontré qu’un ou plusieurs manquements au Code de déontologie ont été commis par la sage-femme. À l’issue, l’instance compétente pour statuer sur le dossier, et le cas échéant prononcer une sanction, est la chambre disciplinaire compétente [cf. dans ce paragraphe, question « comment se déroule la procédure disciplinaire, en principe ? »].

Cette action peut être réalisée à tout moment, elle n’est pas enfermée dans un délai à compter du fait reproché. On dit que l’action disciplinaire est « imprescriptible ».

Objet – Les sanctions pouvant être prononcées dans le cadre d’une procédure disciplinaire sont exclusivement liées à l’exercice professionnel ; il peut s’agir – graduellement – soit, d’un avertissement, d’un blâme, d’une interdiction temporaire d’exercice ou encore d’une radiation de l’Ordre. En revanche, cette voix d’action ne permet pas d’octroyer une indemnisation à la personne à l’origine de la plainte.

En plus de ces sanctions, le juge disciplinaire peut prononcer au titre d’une sanction complémentaire, une injonction de formation à l’encontre de la sage-femme, si les faits reprochés et établis le justifient.

Le Code de déontologie s’applique-t-il à l’étudiant sage-femme ? peut-il faire l’objet de poursuites disciplinaires ?
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Deux situations sont à distinguer :

  • Le Code de déontologie est applicable aux étudiants sages-femmes réalisant des remplacements, (dans les conditions de l’article L.4151-6 du code de la santé publique et décrites dans la rubrique « exercice étudiant », paragraphe « remplacement étudiants »), et ce quel que soit leur mode d’exercice.
  • En revanche, il n’est pas applicable aux étudiants sages-femmes dans le cadre de la réalisation de leur stage ou de leurs études, et ce quel que soit leur mode d’exercice.

Cette distinction s’explique par la lecture de l’article 1 du Code de déontologie (article R.4127-301 du Code de la santé publique), déterminant les personnes visées par son application. Il s’agit explicitement :

  • Des sages-femmes inscrites au tableau de l’ordre ;
  • Des sages-femmes ressortissantes d’un autre État membre de l’union européenne n’étant pas inscrites au tableau de l’Ordre français, qui déclarent exécuter en France de manière occasionnelle et temporaire des actes de la profession (déclaration de libre prestation de service.)
  • Des étudiants sages-femmes autorisés à effectuer des remplacements (dans les conditions de l’article L.4151-6 du Code de la santé publique).

En tout état de cause, les personnes visées doivent respecter le code de déontologie de la profession, et le cas échéant, peuvent voir leur responsabilité engagée en cas de manquement ; y compris les étudiants sages-femmes réalisant des remplacements.

Dès lors, force est de constater que les étudiants sages-femmes réalisant un stage ne sont pas cités. Leur responsabilité disciplinaire ne peut être engagée dans ce cadre.

[Sur cette question, vous pouvez également consulter la rubrique « droits et devoirs », question « l’étudiant est-il soumis au code de déontologie des sages-femmes ? » et la rubrique « formalités administratives », paragraphe « les obligations incombant aux étudiants vis-à vis de l’Ordre » et « les obligations déontologiques »].

Quels manquements déontologiques un étudiant sage-femme peut-il commettre ?
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Rappelons que seule la responsabilité disciplinaire de l’étudiant sage-femme autorisé à réaliser un remplacement peut être recherchée en cas de manquement au code de la déontologie de la profession (quel que soit le mode d’exercice), dans la mesure où il a l’obligation de respecter ce dernier dans le cadre de son exercice.

Précisons que l’ensemble des dispositions du Code de déontologie sont applicables aux étudiants concernés (soit les articles R.4127-301 à R.4127-367 du Code de la santé publique), de la même manière qu’une sage-femme inscrite au tableau de l’Ordre.

Sans établir une liste exhaustive des manquements éventuelles, les dispositions du Code de déontologie à respecter ont trait à :

  • La prise en charge des patients, afin d’assurer la sécurité et la qualité des soins durant la prise en charge, d’une part, et de veiller au respect des droits des patient, d’autre part.

Par exemple : l’obligation de disposer d’une installation convenable (article R.4127-309), l’interdiction de faire courir un risque injustifié aux patients (article R.4127-314), le respect du secret professionnel (article R.4127-303) ou le droit de disposer d’une attitude correcte et attentive (article R.4127-327).

 

  • Les rapports entre professionnels de santé (notamment avec les consœurs).

Par exemple : l’obligation d’entretenir des bons rapports avec les membres des professions de santé (article R.4127-359), l’interdiction de détourner la patientèle d’une autre sage-femme (article R.4127-355).

 

  • Les rapports avec les tiers, afin de veiller à la transparence et en interdisant les comportements malhonnêtes pour le compte d’un tiers (patients, consœurs, professionnels de santé, autres personnes).

Par exemple : la réalisation de fraude ou d’abus de cotation, la procuration d’avantages injustifiés ou même la complicité d’exercice illégal sont interdites (article R.4127-337).

A l’inverse, un étudiant sage-femme peut-il saisir les juridictions disciplinaires à l’encontre d’une sage-femme ou d’un autre professionnel de santé ? Leur responsabilité peut-elle être engagée ?
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Oui. Toute personne estimant qu’une sage-femme a manqué à ses obligations déontologiques peut porter plainte contre cette dernière. Cela peut être votre cas en qualité d’étudiant, si vous estimez que le comportement de la sage-femme constitue un/des manquements déontologiques à votre encontre.

Pour illustrer, cela peut être le cas d’un étudiant sage-femme qui, lors d’un stage, estime qu’une sage-femme encadrante a eu un comportement anormal à son égard, pouvant se manifester par des violences (psychologiques, physiques, sexuelles, administratives, immixtion dans la vie privée …).

En effet, au regard du code de déontologie de la profession, les sages-femmes doivent contribuer à la formation des étudiants et respecter la dignité humaine de chacun (et non pas uniquement des patientes, articles R.4127-304 et R.4127-302 du Code de la santé publique). Selon la situation d’espèce, un tel comportement peut engager la responsabilité disciplinaire de la sage-femme.

Précisons que ces dispositions sont aussi transposables aux autres professionnels de santé, tenus à l’application de dispositions similaires, prévues par leur code de déontologie.

Dans cette situation, l’étudiant sage-femme visé peut porter plainte contre la sage-femme concernée ou tout autre professionnel de santé, en l’adressant à son conseil départemental d’inscription.

Dans des circonstances similaires, des sanctions disciplinaires ont été prononcées par les chambres disciplinaire compétentes. Pour des exemples jurisprudentiels : chambre disciplinaire nationale, 04 janvier 2022, DC n° 54 et n°52 ; chambre disciplinaire de première instance, 30 juin 2022, n°202261 (décisions consultables sur notre site internet https://www.ordre-sages-femmes.fr/base-jurisprudentielle/).

Il est intéressant de relever, que, dans ces affaires, le juge disciplinaire a adopté une formulation de principe pour caractériser les comportements inappropriés à l’encontre des étudiants sages-femmes, en les fondant également à l’aune du devoir de formation des sages-femmes poursuivies. Cette formulation étant la suivante : « Lorsque la sage-femme contribue à la formation d’un étudiant sage-femme, elle doit respecter la dignité de cet étudiant et s’abstenir de tout acte à l’égard de ce dernier déconsidérant la profession de sage-femme »

Néanmoins, s’il est parfaitement compréhensible que l’étudiant sage-femme se retrouvant dans une telle situation craigne d’engager une telle action, précisons qu’il est possible de transmettre un signalement au conseil départemental.

Bien que le signalement n’ait pas pour effet d’engager directement l’action disciplinaire (contrairement à la plainte), le conseil départemental doit instruire ce dernier et peut, le cas échéant, porter plainte en son nom propre contre la sage-femme concernée.

Par ailleurs, solliciter directement l’aide ou le soutien de l’école de sage-femme est également une solution envisageable ; cette dernière pourra faire le lien avec le conseil départemental et dispose également de la faculté de porter plainte.

+ Précisons que le signalement peut tout à fait être anonymisé ; il s’agit d’une preuve recevable (chambre disciplinaire de première instance, 30 juin 2022, n°202261). Dans l’affaire précitée, la plainte était fondée sur cinq témoignages anonymisés d’étudiants, transmis par la directrice de l’école au Conseil national. La chambre disciplinaire compétent a estimé que les faits décrits étaient « suffisamment précis, circonstanciés et concordants pour être regardés comme suffisamment établis ».

 

Pour plus d’informations, nous vous invitons à consulter :

  • La rubrique « droits et de devoirs » de la FAQ, paragraphe « droits » et question « Si l’étudiant est victime de maltraitance sur son lieu de stage, quels sont ses recours et les personnes ressources ? »
  • La rubrique « formalités ordinales » de la FAQ et le paragraphe « le rôle de l’Ordre », question « Comment l’Ordre des sages-femmes peut-il accompagner les étudiants sages-femmes notamment sur les difficultés rencontrées en stage ? »
  • La revue Contact sages-femmes n°74 – juillet 2023 – Article « Les recours des étudiant(e)s en cas de maltraitance sur leur lieu de stage » (https://www.calameo.com/read/005126917f268a0562ad7?page=23) + Cas jurisprudentiel « Les maltraitances à l’encontre des sages-femmes étudiant(e)s stagiaires comme manquements déontologiques » (https://www.calameo.com/read/005126917f268a0562ad7?page=13)
Comment se déroule la procédure disciplinaire, en principe ?
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Tout d’abord, pour revenir sur le contexte, précisons que la procédure décrite s’applique notamment lorsqu’un patient souhaite porter plainte contre un étudiant sage-femme autorisé à faire un remplacement ou, à l’inverse, lorsqu’un étudiant sage-femme (en stage ou en remplacement) souhaite porter plainte contre une sage-femme.

Etape 1 La personne souhaitant agir contre une sage-femme/un étudiant sage-femme remplaçant doit rédiger une plainte, puis la transmettre au Conseil départemental dans le ressort duquel cette dernière est inscrite/ayant autorisé l’étudiant sage-femme à effectuer le remplacement.

Etape 2 Consécutivement, le conseil départemental organise une réunion de conciliation, à laquelle le « plaignant » et la sage-femme/l’étudiant sage-femme remplaçant visé(s) sont invité(s) à participer. Les parties sont libres de s’y présenter. La conciliation peut permettre d’échanger, et le cas échéant, de trouver une solution amiable au litige.

Etape 3 Dans le cas où la réunion n’a pas permis la conciliation totale avec la sage-femme/ l’étudiant sage-femme remplaçant, le conseil départemental la transmet à la chambre disciplinaire de première instance compétente.

Précisons que, par dérogation, certaines autorités habilitées peuvent adresser directement leur plainte à la chambre disciplinaire, sans devoir d’abord la transmettre au conseil départemental, puis réaliser/se soumettre à une procédure préalable une conciliation. Il s’agit du Ministre chargé de la santé, du représentant de l’Etat dans le département, du directeur général de l’agence régionale de santé, du procureur de la République, du Conseil national ou du conseil départemental au tableau duquel la sage-femme est inscrite (article R.4126-1 du CSP).

Par exemple, dans les affaires précédemment citées (chambre disciplinaire nationale, Ordre des sages-femmes, 04 janvier 2022, DC n° 54 et n°52 et chambre disciplinaire de première instance, Ordre des sages-femmes, 30 juin 2022, n°202261), qui concernent le comportement inapproprié de sages-femmes vis-à-vis d’étudiantes sages-femmes, les auteurs de la plainte étaient le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes et le Conseil départemental d’inscription de la sage-femme.

Etape 4 – Le dossier sera alors instruit par la chambre disciplinaire de première instance et une date d’audience sera fixée. La décision de la chambre sera rendue à une date ultérieure à celle de l’audience. Elle peut aboutir soit :

  • Au rejet de la plainte ;
  • À une sanction disciplinaire. En fonction des circonstances, cela peut être un avertissement, un blâme, une interdiction temporaire d’exercice ou une radiation de l’Ordre.

Par suite et en cas d’insatisfaction de la décision de première instance, il peut être fait appel de cette décision (c’est-à-dire contester la décision), devant la chambre nationale de l’Ordre des sages-femmes.

Existe-t-il une particularité, dans le déroulement de la procédure disciplinaire, lorsque la sage-femme/l’étudiant sage-femme remplaçant visé(e) par la plainte exerce dans un établissement de santé public ou dans une PMI ?
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Tout d’abord, pour revenir sur le contexte, précisons que la procédure décrite s’applique notamment lorsqu’un patient souhaite porter plainte contre une étudiante sage-femme autorisée à faire un remplacement au sein d’un établissement public de santé/d’une PMI ou, à l’inverse, lorsqu’un étudiant sage-femme (en stage ou en remplacement) souhaite porter plainte contre une sage-femme exerçant au sein d’un établissement public de santé/d’une PMI.

Précisons que toute personne peut rédiger une plainte à l’encontre des sages-femmes/étudiants sages-femmes remplaçant exerçant dans les structures visées, puis la transmettre au conseil départemental, qui organisera une conciliation.

Toutefois, la plainte ne pourra être transmise à la chambre disciplinaire uniquement si elle est formée par certaines autorités ou instances habilitées.

Il s’agit du Ministre chargé de la santé, du représentant de l’Etat dans le département, du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), du procureur de la République, ou encore du Conseil national ou du conseil départemental au tableau duquel la sage-femme est inscrite.

Autrement dit, la plainte ne pourra être transmise à la chambre disciplinaire que si l’une des autorités précitées porte plainte elle-même (en son nom propre) contre le praticien.

En tout état de cause, le plaignant dispose de la faculté de faire connaître ses griefs à l’une des autorités habilitées mentionnées ci-dessus.

Par ailleurs, si le conseil départemental – ou toute autre autorité sollicitée – prend la décision de ne pas porter plainte contre la sage-femme, le plaignant peut contester cette décision devant le tribunal administratif territorialement compétent, par la voie d’un recours pour excès de pouvoir (REP), dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision.

Au préalable, un recours hiérarchique contre cette décision peut être adressé au Conseil national de l’Ordre des sages-femmes (CNOSF), sans que ce recours préalable ne soit pour autant obligatoire.

Une exception est à noter : dans l’hypothèse où le manquement/comportement reproché à la sage-femme/étudiant sage-femme remplaçant est « une faute détachable du service », la procédure décrite précédemment n’est pas applicable. Cela revient à dire, qu’en cas de non-conciliation, la plainte doit être systématiquement transmise à la CDPI.

La faute détachable vise les faits qui n’ont pas été commis à l’occasion du service. Cela concerne donc les actes ayant un caractère éminemment privé et personnel, sortant incontestablement du strict cadre des interactions liées aux actes de la fonction publique et du cadre normal de l’exercice de la profession (du fait de la gravité du comportement du professionnel).

Exemple de faits caractérisant des fautes détachables retenues par la juridiction disciplinaire : le fait d’imposer des relations sexuelles à ses patients (Chambre disciplinaire nationale, Ordre des médecins, 9 janvier 2013, n°11307) et les manquements résultant du fait d’avoir entretenu une relation intime avec le conjoint d’une patiente (Chambre disciplinaire nationale, Ordre des sages-femmes, 7 mars 2024, n° DC 67). Précisons que les affaires citées concernent des sages-femmes, et non des étudiants sages-femmes en remplacement, mais que les mêmes dispositions leur sont applicables.